En l’espace d’un an, 51 500 avortements non sécurisés ont eu lieu au Sénégal dont 16 700 ont donné suite à des complications parfois mortelles. Ces chiffres sont alarmants … Pour comprendre bien ce phénomène et savoir comment faire pour changer cela avec notamment le protocole de Maputo, nous avons rencontré AMY SAKHO de l’association des femmes juristes du Sénégal.
Aby Kane, Dynamics
POUVEZ -VOUS NOUS PARLER DU PROTOCOLE DE MAPUTO?
Le protocole de MAPUTO c’est un protocole additionnel à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples, donc le Sénégal la ratifie 2004. Dans ce protocole, l’article 14 qui met
- la charge des Etats l’obligation d’autoriser l’avortement en cas de viol, inceste et quand la vie de la mère est menacée. Malheureusement ce n’est pas appliqué dans ce pays.
Des millions de femmes avortent dans l’ombre chaque année en Afrique. Des dizaines de milliers en meurent. QUE pensez-vous de cette situation ?
Oui déjà je trouve cette situation déplorable parce que ce nombre est vraiment alarmant . De plus il y’a des femmes qui avortent mais qui en sortent avec des complications. On souhaiterait quand même que L’Etat sénégalais prenne ses engagements c’est à dire, autoriser l’avortement médicalisé en cas de violon d’ inceste conformément au protocole de MAPUTO.
POURRIEZ VOUS NOUS DECRIRE LA SITUATION AU SENEGAL ?
Pour une année, bien que le Sénégal interdit l’avortement on a eu 51 500 avortements provoqués avec des femmes qui en sortent avec des complications au nombre de 16 700. Les avortements clandestins constituent 50% des motifs d’admissions en urgence. Quand vous faites les prisons des femmes on constate que 19% de la population féminine est incarcérée pour avortement clandestin ou bien pour infanticide.
QUELLE ACTIONS MENEZ-VOUS ET A QUELLE ECHELLE ?
Nous avons engagé des sensibilisations, de la communication, du plaidoyer pour vraiment informer le décideur qu’il est temps d’autoriser l’avortement pour les cas de viols et d’incestes , mais informer le public aussi de la problématique de l’avortement clandestin . On ne voudrait pas avoir une loi impopulaire, ce qu’on voudrait c’est d’avoir un consensus autour de cette autorisation de l’avortement donc on agit à tous les niveaux , aussi bien avec les décideurs, dans les décideurs vous pouvez retrouver les parlementaires, le gouvernement, la présidence mais aussi les religieux parce qu’au Sénégal , parler de ces sujets sans parler de l’aspect religieux, je pense que c’est mal connaitre le pays. Donc avec les journalistes aussi on est en train de faire des choses avec les communautés et avec les jeunes .
A QUI S’ADRESSENT VOS SERVICES ?
Nos services peuvent profiter par exemple aux victimes de viols, aux victimes d’inceste. Les victimes de viols peuvent nous saisir pour la procédure judiciaire pour la prise en charge psycho social et pour un accompagnement. Maintenant pour l’avortement puisque ce n’est pas encore autorisé n’a pas de service dans ce sens, mais on a des conseils à donner pour éviter que les gens tombent dans les infanticides ou bien dans les avortements clandestins.
QUELS CONSEILS DONNERIEZ-VOUS À UNE FEMME QUI ENVISAGE LA SOLUTION DE L’AVORTEMENT ?
Pour une femme par exemple qui est dans une situation d’une grossesse non désirée, c’est à dire une grossesse à mon avis qui n’est pas issue de viol ou d’inceste, je lui demanderais de se rapprocher des
organisations qui sont dans ce comité pour essayer de l’appuyer, de l’assister pour qu’elle porte bien cette grossesse à terme. Parce qu’elle n’a pas d’autres solutions légales. Pour les victimes d’incestes aussi je ne demanderais pas à ces femmes là, mais je demanderais à l’Etat de leurs autoriser cet avortement médicalisé qu’il a bien pris l’engagement d’accepter dans le protocole de MAPUTO.
AVIEZ-VOUS REGARDER NOTRE SERIE OMERTA SUR L‘AVORTEMENT SECURISE ? QU’EN PENSEZ-VOUS ?
Oui je l’ai regardé, J’ai regardé dès l’élaboration j’ai eu à participer, à donner mes recommandations, je pense que c’est une bonne série qui viens à son heure et qui participe à ce que nous sommes entrain de faire, la sensibilisation pour arriver à un changement légal mais à un changement social. Donc j’encourage vivement la continuité de cette série-là.