Une levée de fonds coûteuse avec des commissions de 8 milliards de Fcfa, une mauvaise gouvernance manifeste, des pertes à milliards, un gré à gré de 300 millions d’euros à l’insu du conseil d’administration, une assignation cavalière pour obtenir un forcing….Manar Sall de Petrosen est en train de semer les graines du chaos à la Société africaine de raffinage (Sar) sans que la direction générale ne pipe mot.
Au contraire. Par ordonnance à pied de requête numéro 1372/2021 rendue le 10 décembre dernier par Malick Lamotte, président du tribunal de Commerce hors classe de Dakar, Petrosen holding Sa et la Société africaine de raffinage (Sar) avaient été autorisées à assigner à bref délai Locafrique Sa et autres aux fins qu’il soit statué sur les mérites de leur requête pour «entendre constater l’abus de minorité de Locafrique Sa » et «désigner conformément à la loi un mandataire ad hoc aux fins de représenter ladite société à la prochaine assemblée générale extraordinaire de la Sar afin de voter, en son nom, dans le sens de l’intérêt social ». Mandataire ad hocPar exploit en date du même jour, Petrosen et la Sar ont servi assignation à Locafrique et autres d’avoir à comparaître devant le juge des référés ce 15 décembre.
L’affaire plaidée hier a été renvoyée au 22 décembre prochain pour délibéré.En effet, la Sar est une société anonyme dont l’Etat, à travers Petrosen holding sa, détient majoritairement les actions (46%) et le contrôle. Les autres actionnaires sont Locafrique (34%), Itoc Sa (5%), Total energies marketing Sénégal Sa (6,82%) et Sahara energy ressources limited (8,18%).Au titre de l’exercice 2020, la Sar a réalisé une perte de 59 milliards de Fcfa avec des fonds propres négatifs de 53 milliards de Fcfa découlant d’une mauvaise gestion. Pertes de 59 milliards et fonds négatifs de 53 milliardsLe 22 octobre 2021, l’assemblée générale extraordinaire a donné mandat au conseil d’administration de préparer l’augmentation de capital, d’en fixer les modalités et de les soumettre à l’assemblée générale extraordinaire pour approbation conformément à la loi applicable et aux dispositions statuaires de la société.
En effet, l’objectif de certains actionnaires était de confier la décision d’augmentation du capital au conseil d’administration. Locafrique s’y est opposée en mettant en exergue l’importance de la question et en proposant que la décision finale soit laissée à l’assemblée générale de la Sar. Cette position était d’autant plus juste qu’à la date du 22 octobre 2021, les actionnaires n’avaient reçu aucun rapport du conseil d’administration ni des commissaires aux comptes de la Sar.La proposition de Locafrique de laisser la décision souveraine sur l’augmentation du capital à l’assemblée générale extraordinaire a été donc adoptée et mandat a été donné au conseil d’administration de la Sar uniquement pour préparer l’augmentation de capital et la soumettre à l’assemblée générale qui déciderait souverainement.
Le 1er décembre 2021, l’assemblée générale extraordinaire s’est réunie pour statuer et prendre une décision collective sur les modalités de la recapitalisation. Lors de cette rencontre, Locafrique a souhaité un débat sur un procédé plus rapide et plus efficace dans l’intérêt de la Sar en expliquant les avantages de procéder à une réévaluation libre des actifs, le tout en relation avec des éléments nouveaux portés à sa connaissance. Assignation contre la transparence Ce débat n’a pas pu avoir lieu et les arguments de Locafrique Sa n’ont pas pu être expliqués à l’assemblée générale du 1er décembre 2021, parce que ses représentants ont été contraints à leur grande surprise de voter pour ou contre la résolution suite à l’intervention du représentant de l’Etat.La démarche de Locafrique tendait à instaurer un débat exhaustif sur les avantages de la réévaluation libre des actifs et il ne s’agissait nullement d’entraver les intérêts de la Sar. L’essentiel pour elle était d’éclairer, d’alerter en donnant le maximum d’informations aux actionnaires, à la société et aux autorités étatiques, dans le cadre d’une assemblée générale extraordinaire où les questions relatives à la Sar doivent être débattues librement entre actionnaires.
N’ayant pas pu exposer librement et plus amplement ses positions tout en étant sommée de voter sans débats la résolution proposée à l’ordre du jour, Locafrique a exprimé son opposition par un vote négatif ainsi qu’il résulte du procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire du 1er décembre 2021. C’est ainsi que la Sar et Petrosen Holding Sa ont estimé devoir l’attraire devant le juge des céans pour faire voter la résolution par une tierce personne. Pourtant, depuis son entrée dans le capital de la Sar et jusqu’à l’exercice en cours, Locafrique Sa a tout le temps œuvré pour l’intérêt de la Sar.
Ainsi, elle a aidé la raffinerie nationale en mettant en place une ligne de 250 millions d’euros pour le financement de ses importations au moment où son déficit de trésorerie ne lui permettait pas d’émettre de la dette auprès des partenaires financiers de la place. Ligne de 250 millions d’eurosDe plus, elle a participé à diminuer les différentiels au cours de l’année 2021 pour permettre à la Sar de maîtriser ses marges et d’être profitable, à la suite d’une décision de son conseil d’administration.Cette entente a été possible en fixant les primes à un niveau de 2.75 dollars maximum pour le brut et 30 dollars maximum pour le fuel-oil.Dans la souci de renforcer les fonds propres de la Sar, elle a ainsi proposé une réévaluation libre des actifs par une réactualisation du patrimoine immobilier pour le moment composé d’une terrain d’une superficie de 92 hectares dont l’évaluation au niveau du bilan financier d’un montant de 109.725.293 Fcfa découle d’une estimation faite en…1961, date de la création de la Sar.
La valeur actuelle du terrain de la Sar pourrait ainsi être évaluée à environ 115 milliards de Fcfa. Pour dire que la réévaluation libre du terrain de la Sar pourrait dégager un écart positif de 114 milliards de Fcfa permettant de corriger largement les fonds propres négatifs avec au final un solde de fonds propres positifs de l’ordre de 61 milliards de Fcfa au maximum. Mystères autour d’une levée de fondsMais pourquoi alors la Sar veut coûte que coûte procéder à une levée de fonds trop coûteuse pour les actionnaires et lourds d’engagements pour elle-même ? En effet, après la présentation d’un plan stratégique par la Sar, un mandat de levée de fonds de 420 milliards de Fcfa a été présenté aux actionnaires pour augmenter les capacités de production de 1,2 à 1,5 million de tonnes à savoir 175 millions d’euros pour les investissements stratégiques, 256 millions d’euros pour la restructuration de la dette et 210 millions d’euros pour une ligne de crédit renouvelable.
A la suite de cette analyse et des éléments portés à la connaissance de Locafrique, il est apparu que la Sar n’a pas besoin de cette enveloppe car elle dispose déjà de 440 millions d’euros, une ligne disponible pouvant satisfaire largement aux besoins. Or, la levée envisagée fait apparaître des frais et commissions connus de plus de 8 milliards de Fcfa (frais de succès, intermédiation, frais de consultants externes…). Mal gouvernancePendant ce temps, des pratiques inédites sont toujours en cours à la Sar. La preuve : à la faveur de l’arrêt métal, la commande de l’ensemble des produits blanc (super, gasoil…) dont l’exécution est en cours, estimée à 300 millions de dollars, a été passée sans appel d’offres et à l’insu du conseil d’administration dans des conditions opaques qui laissent présager de graves conséquences économiques et financières pour la Sar alors qu’on parle de recapitalisation et de plan de financement de plus de 420 milliards de Fcfa entièrement basés sur les fonds des actionnaires et des deniers publics.Source : Libération.