Avec l’Agence de Presse Sénégalaise – La région de kaffrine (centre-ouest) est réputée être le lieu par excellence du métier de forgeron au Sénégal. Un métier jadis noble, mais, qui risque de disparaitre, à cause de la modernité et du manque d’accompagnement des acteurs, a constaté l’APS.
Niché au cœur du marché central de la ville, l’endroit attire tout passager, de par son emplacement, l’environnement à travers ces bruits sonores, des étincelles qui jaillissent de partout.
Dans un espace étalé sur 100 mètres de longueurs et 40 mètres de largeurs, entouré d’un toit en zinc, qui date de plus de 50 ans d’existence, le décor renseigne sur la décrépitude du marché.
Au rythme du bruitage des marteaux et des moles, le visiteur est assailli par une chaleur infernale.
Si certains forgerons sont concentrés dans leurs coins devant leurs étals d’outils de tout genre, d’autres, par contre, sont en train de battre le fer grâce à l’appui des moles.
Il est onze le matin, le soleil est au zénith, mais il faut s’adapter avec. Nous sommes à l’intérieurd’une forge.
D’un sourire simple, le vieux Abdou Gaye, est assis à même le sol de sa forge, les jambes pliés. Il est en train de fabriquer un daba, outil qui sert à enlever les herbes dans les champs en cette périoded’hivernage. Le sexagénaire raconte qu’il a fait plus de 30 ans dans ce métier.
« Ici , c’est Mbarou Teugyi à kaffrine , nous fabriquons tous les outils agricoles : des houes , des hilaires, des haches , des dabas , des charrues , des semoirs, des marteaux des pinces …, c’est grâce à nous , que nous parlons de l’agriculture , sans nous pas d’agriculture » a t’ il listé, d’un air rigolant .
Le visage perlé de sueur, il tient un bâton entre ses mains, qu’il est en train de remodeler pour l’insérer dans un hilaire.
« Nous sommes actuellement dans notre période. Les paysans viennent en masse pour acheter des outils, pour leurs champs, mais notre principale difficulté reste la matièrepremière avec le bois » a-t-il indiqué.
Selon lui, ils sont parfois traqués par les agents des eaux et forêts, qui les interdissent de couper le bois.
A quelques encablures de sa forge, Amath Kebe, plus connu sous le nom de Amath Ndao est en train de couper un fer dur, mais à l’aide d’une mole, un outil moderne. Vêtu de haillon , lunette bien ajustée , un mouchoir autour du nez , une manière de se protéger contre les étincelles qui jaillissent , l’homme de la quarantaine , tenant entre sa main gauche une cisaille , un marteau à droite , un hilaire à l’intérieur de la forge qu’il bat , pour lui donner de la forme , avant les finitions , il soutient qu’ ils sont là, pour les paysans
« Nous sommes les amis des paysans, car, c’est nous qui facilitent leur travail dans les champs. Nous achetons le fer à Dakar à 650 FCFA, le kilo, mais, c’est trop cher, car actuellement, après fabrication , on le revend à 1500 FCFA ou 2000 FCFA, l’unité », fixe le forgeron.
A l’en croire, c’est toute une procédure après l’achat du fer. «On le coupe par détail, on chauffe le métal dans un four de forge , le façonner , le souder , réparer , trier , plier , marteler sur une enclume , pioncer , bref , fabriquer des pièces comme des hilaires , des houes , des dabas, des fourneaux gaz , fourneaux jambar … qui seront utilisés par les paysans , de manière générale par les populations », détaille notre interlocuteur.
Un travail qui demande de la force physique
Dans ce métier qui se transmet de génération en génération, l’effort physique ou la force physique reste la première condition.
Dans cette forge de Badou, à première vue, un ventilateur installé devant lui, pour la chaleur, un four en train de chauffer le fer.
« Finit les charbons, actuellement, on utilise l’électricité pour le chauffage, ce qui nous permet de gagner du temps et faire moins d’efforts physiques. Certes dans ce métier, y’ a trois choses primordiales à résister : c’est la chaleur, la soif et l’effort physique », confie le ferronnier.
Ces forgerons sont les gardiens de la traditionjadis, mais, depuis quelles années, ce métier est presqu’à l’agonie, d’après Modou Thiam, président des forgerons de kaffrine.
« Ce métier est noble, mais, personne ne nous appuie. On dirait que nous ne sommes pas des artisans » a-t-il déploré, révélant que même la chambre des métiers ne se soucient même d’eux.
Pour lui, on ne peut pas parler de la réussite de l’agriculture, sans favoriser et valoriser le métier de forgeron, avec au moins dans ce toit, estime t’il, 60 patrons de forge et leurs apprentis.
« Nous sommes des pourvoyeurs d’emploi au Sénégal, car nous ne cessons d’accompagner les paysans et le secteur agricole. Il faut qu’on nous respecte. C’est vrai, le ministre maire nous avait une fois octroyé 5 millions de FCFA, en s’engageant à nous appuyer dans les projets mais, pas de suite. Nous voulons plus de considération en termes d’accompagnement dans les formations, financements, formalisations et les grands projets » a lancé M. Thiam, à l’intérieur de son étal.
Le forgeron, la base de tout métier
« Aujourd’hui, avant d’aller sur le taulier, le menuiser métallique, obligatoirement, tu passes par le forgeron et la région de kaffrine reste leader dans ce domaine, dans la fabrication des outils agricoles » a-t-ilrappelé.
Les gens viennent de partout au Sénégal,du nord au sud à l’est, excepté le côté ouest , pour faire des commandes de dabas , hilaires , houes et semoirs , a-t-il ajouté.
« Nous gagnons des commandes de 2 millions, 3 millions et 4 millions de FCFA, individuellement. Des clients qui viennent de Tambacounda, Casamance, Matam… » a- t-il souligné.
Nos clients nous font confiance partout, et ils connaissent et reconnaissent les qualités professionnelles des forgerons de kaffrine, qui sont respectés, rassure M. Thiam.
Face aujourd’hui, aux changements des outils et la modernité, il est plus qu’urgent que l’étataccompagne ce secteur.
« Nous demandons à l’étatdavantageconsidérer le métier de forgeron et nous réserver une part importante dans les marchés, concernant les matériels agricoles, car nous pouvons le faire. Nous voulons une modernisation du secteur et le ministre maire doit être le premier à nous accompagner, à nous défendre pour la revalorisation du métier » a-t-ilpréconisé, signalant qu’ils ont anticipé avec l’utilisation de l’électricité à la place du charbon et les moles.
Il s’y ajoute par ailleurs, qu’ils n’ont pas de bailleurs, à part, Bara Thiam, forgeron comme eux, qui ne cessent de financer quelques-uns du toit et les accompagner.
« C’est vrai , c’est difficile , mais , nous disons Alhamdoulilah , car nous y gagnons notre vie tranquillement , sans problème, malgré les dures conditions » a fait savoir Serigne Kouta .
Toutefois, ce doyen rappelle que les premiers forgerons à kaffrine sont issus de la famille Thiam, mais aujourd’hui, c’est devenu large.
« Aujourd’hui, nous nous sommes regroupés en association, pour davantage
s’organisers’entraideret porter en semble nos revendications » a t-il mentionné.