Le monde de la sorcellerie est une porte ouverte aux mensonges, où il est aisé d’arnaquer les gens. C’est un marché très lucratif dont le marketing de la peur fait marcher les affaires. Par les craintes, la méfiance des uns des autres et une certaine croyance sociétale, des soi-disant marabouts arrivent à jouer sur la naïveté des gens pour se faire de l’argent.
Samba GUEYE, chercheur et directeur du centre islamique « Nasroulah » pour la médecine prophétique, s’est entretenu avec ma rédaction de Dynamics sur cette pratique.
Quand on parle de sorcellerie, on emploie beaucoup de termes comme l’esprit, l’âme et Satan, entre autres, comment définir ces termes ?
Samba GUEYE: Déjà le terme Satan est souvent confondu avec le terme diable (Iblis), alors qu’ils sont deux personnages différents dans le Coran. Satan est l’équivalent d’un autre terme qu’on appelle aussi dans le Coran «Tahout». Il est la source dans laquelle est connecté tout esprit maléfique. En revanche, l’âme est la source de lumière dans laquelle puise tout esprit éclairé. L’âme qui est pure n’est capable que d’obéissance à Dieu. Dans tout être, il y a un esprit et une âme. La différence entre l’humain et le diable (Djine) c’est qu’ils ont tous un corps, un esprit et une âme. Alors que ces trois composantes sont dissociées chez l’être humain sauf, chez les prophètes ou l’âme est associée à l’esprit ; c’est pourquoi les prophètes, contrairement aux restes des êtres humains, sont infaillibles dans leur foi et confiance en Dieu. Chez les diables (Djine), les trois composantes ne font qu’une. Le diable (Djine) son corps est son esprit et son âme. C’est Pourquoi tu verras chez le diable (Djine) croyant de la lumière jaillir sur lui comme qui porterait une lampe projecteur. Alors que, la lumière chez l’être humain ne s’aperçoit pas comme tel, mais se voit à travers ses rapports, ses bonnes actions et paroles de bien etc… L’être humain est par essence matière, alors que le diable (Djine) est liquide et peut se transformer en gaz. C’est Pourquoi le diable(Djines) est capable d’entrer et prendre possession du corps de l’être humain quand il se transforme en l’état gazeux.
L’humain est-il en mesure de voir le diable (Djines) ?
Oui bien sûr ! C’est un don que tout le monde n’a pas. C’est clair. Alors, que l’être humain puisse voir le diable (Djines) n’est pas la règle mais l’exception. C’est Dieu lui-même qui choisit qui il veut et lui donne ce privilège. Il y en a qui naissent avec le don de pouvoir voir le Diable(Djines). D’autres l’acquièrent après avoir guéri d’une possession. Ici, il faut savoir que les diables (Djines) pour entrer dans notre monde ou prendre possession d’une personne, ils passent par des brèches. C’est-à-dire des portes d’entrées. Alors, on peut également utiliser ces mêmes brèches pour entrer dans leur monde.
Quelle est la place de ses nombreux accessoires dans la pratique de la sorcellerie ?
Alors ces accessoires que vous voyez là entre autres les bagues, bracelets et les ceintures mystiques, et aussi les figures symbolisent le pacte de sorcellerie. Et leurs différentes combinaisons déterminent l’utilisation et la fonction de la pratique de sorcellerie. Toutefois, le pacte de sorcellerie ne sera formalisé qu’après une entente sur les conditions ; c’est-à-dire les sacrifices à faire par le sorcier. Ces parties scellant le pacte sont le sorcier qui, il faut le préciser, a déjà vendu son âme au diable (Djine) ; ce dernier met le sorcier en rapport avec des esprits. Ici, ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il y a toujours un pacte originel entres ces différentes parties citées qui sous-tendent toute pratique de sorcellerie ; c’est que le sorcier obéit au diable (Djine) qui est le chef des esprits, (devant exécuter les ordres) pour que, en occurrence, ces derniers puissent obéir au sorcier. C’est la raison pour laquelle dès que le sorcier cesse de faire ses sacrifices ou viole son entente avec le diable (Djine), les esprits ne pourront plus obéir à ses ordres. Donc, ce qu’il faut retenir ici, c’est que ces accessoires ne formalisent pas les pratiques de sorcellerie en ce sens qu’ils ne peuvent pas à eux seuls concrétiser le pacte de sorcellerie. Cependant, ils symbolisent l’acte de sorcellerie c’est-à-dire ils traduisent les liens de sorcellerie entre les parties.
Comment peut-on définir le rapport entre sorcier et Diable (Djine)?
C’est un rapport entre deux parties de deux univers différents: le sorcier qui est de notre monde (monde matériel) et le diable (Djine) qui est d’un autre monde (le monde d’énergie) ; et que les liens entre les deux univers sont symbolisés par tout ce qui est objet dans ce monde. Ces objets ont ainsi plus de valeur dans le monde des diables (Djines), et par conséquent, la formalisation de ces rapports passe nécessairement par ces objets quand ils se traduisent en sacrifices. De ce point, le rapport entre sorcier et diable (Djine) est toujours un rapport de force fondé sur la règle gagnant-perdant. Le diable (Djine) est gagnant et le sorcier en sort toujours perdant. Ce dernier peut encaisser par exemple 1 million pour une pratique de sorcellerie, dont il va dépenser les 850 milles sur les sacrifices, et donc dans l’intérêt du diable.
D’aucuns nient la pratique de la sorcellerie en pensant qu’elle n’atteint que ceux qui y croient ; est-ce qu’il suffit de ne pas y croire pour être atteint ou protégé de la sorcellerie ?
Ecoutez c’est Dieu lui-même qui nous dit dans le Coran que la magie c’est Lui qui le désactive. Alors on comprendra par-là qu’elle est active. En conséquence, la pratique de la sorcellerie est réelle et peut atteindre toutes les personnes qui y croient ou qui la nient: la personne lambda, le guérisseur, le oustaz et même… l’Imam. Et notre expérience en la matière nous la confirme. Nous avons eu à intervenir sur toutes ces catégories de personnes. Personne d’entre nous n’est parfait. Tous, on peut faillir un tant soit peu sur notre croyance en Dieu. Et ces failles constituent une faiblesse, une porte d’entrée ou simplement une brèche par laquelle on pourrait être atteinte par la sorcellerie. Cependant, ici il importe une petite précision: ceux qui s’égarent à dire ou croire que la pratique de la sorcellerie a atteint le Prophète (PSL), eh bien ils ont tort. Quand Dieu dit “Il (Satan) n’a pas de pouvoir sur ceux qui croient et placent leur confiance en Dieu», les Prophètes tous sont infaillibles. De ce point, c’est Dieu Lui-même qui les protège de la sorcellerie. Dieu lui-même a dit du Prophète (PSL) dans le Coran: “Tu n’as jamais été possédé !”.
Quel est l’impact de ces pratiques sur la vie de l’individu ?
Il y a un impact ! Par exemple, quand la personne cherche à conquérir le pouvoir par la pratique de la sorcellerie, il y a toujours des conséquences. Parce que Dieu est seul détenteur des pouvoirs et que tous les autres pouvoirs se rapportent à son pouvoir. Son pouvoir à lui use de l’amour. Quand Il te donne le pouvoir, Il fait de sorte que les gens t’aiment. Par contre, le pouvoir issu de la pratique de la sorcellerie use de la peur. Raison pour laquelle tous ceux qui ont conquis le pouvoir par cette voie finissent tous par être déchus.
D’aucuns pensent que la pratique de la sorcellerie est la cause de la multiplication des divorces, qu’en pensez-vous ?
Plusieurs facteurs dans notre société peuvent aider à expliquer la multiplication des divorces constatée dans cette société. Maintenant, en ce qui concerne l’impact de la sorcellerie sur la récurrence des divorces, ceci s’explique d’abord par le fait qu’il arrive, et c’est très fréquent, qu’un homme décide de se marier à une femme qui a une compagne qui est un esprit ou simplement un diable qui aime la femme et pense qu’elle lui appartient. Ici, il faut comprendre que ce dernier peut tolérer le mariage entre cette femme qu’il prétend posséder et aimer et l’homme, jusqu’à leur premier ou deuxième enfant, parfois même ça peut aller jusqu’à leur troisième enfant. Arrivée à cette échéance, le diable prétendant usera de tous ses pouvoirs pour mettre un terme à leur mariage. Parfois même, ça peut être un membre de la famille qui n’est pas content de leur mariage et use de la sorcellerie pour les séparer et dans ce cas de figure, les conséquences sont souvent dramatiques, pouvant aller jusqu’à les séparer.
Peut-on utiliser des pouvoirs découlant du rapport avec le diable à bon escient ?
Certes certains imams ou savants diront non, mais je pense que oui. Ces pouvoirs peuvent être utiles pour le progrès. Et parmi les entreprises de notre centre « Nasroulah », nous prévoyons la fabrication de médicaments qui pourront servir à soigner les types de maladies qui se rapportent aux pratiques de la sorcellerie, maux de tête, de ventre etc.
Comment appréciez-vous le travail fait dans ce domaine ?
Ce domaine, le monde des Djines, est une porte ouverte aux mensonges. Il est ainsi aisé dans ce domaine d’arnaquer les gens. Quand bien même nos intentions peuvent tout à fait être honorables. Il nous arrive de recevoir des patients en urgence et dont la prise en charge implique l’annulation de tous nos rendez-vous de ce jour-là. On le fait sans hésitation. Parce que le traitement de ce patient-là implique des scènes pouvant impacter sur la santé des autres patients. Nous avons l’obligation de protéger tous nos patients. Beaucoup de guérisseurs sont sacralisés par leurs patients. Parce qu’ils n’ont pas su, de ce point de vue-là, protéger leurs patients. Certains le font exprès pour faire marcher leurs affaires. C’est du marketing de la peur. Parce que les gens sont très mal informés dans ce domaine, et tout ce qui touche au monde des Djines les font peur. Alors des gens mal intentionnés essaient de profiter de cette ignorance, des craintes des uns et des autres pour se faire de l’argent. Ce travail de recherche, d’aide et d’assistance médicale que nous effectuons et qui était autrefois de l’ordre des missions prophétiques, est transformé aujourd’hui en un marché des affaires. Il est urgent que nous travaillions à redorer le blason de ce domaine.
Cheikh Labou, Dynamics
